Théâtre enfants, ados, adultes

Nadège Perriolat

Née dans la campagne dauphinoise pendant les années du 1° choc pétrolier, mon enfance prolétaire se passe tête en bas-jambes en l'air, dehors, dans les arbres et dans les prés, dedans, en salle de gymnastique, sur les agrès. Ma jeunesse probablement légère se fait débarquer sans alerte, en cause le chaos de la vie irruptant. Par hasard, j'entends avec mes oreilles toutes décillées Gilles Deleuze parler de tennis, depuis lors, m'accompagne nuit et jour un livre ou l'autre du philosophe. Après 2 années à Barcelone passablement schizophréniques – le jour, jeune fille au-pair dans une famille noble mais relativement déchue, la nuit dans les squats artistiques -, j'intègre l'Ecole Nationale de Cirque de Châtellerault, préparatoire à celle de Rosny sous Bois. 3 ans de formation dans les arts du cirque et plus spécialement en clown et équilibre sur les mains. Mais en 2000, le CNAC ne veut pas de moi. Que cette école d'Etat continuât de pavoiser dans les éthers en irresponsable social, je n'en aurai aucun doute, mais je comprendrai aussi qu'elle a pour vocation une fabrique à élites, et par conséquent, s'auto-nourrit aussi de ses rebuts. Nadège : bienvenue-welcome dans le monde contemporain du 3° millénaire et « cap au pire » ! Alors, je danse pendant 4 ans avec la Cie le Terrain Vague – Nice, dont la ligne s'emboîte à celle de Nikolaïs. Incartades dans le Nord, dans le cadre d'une création d'un spectacle produite par le Fresnoy - Studio national des arts contemporains Parallèlement, j'intègre la formation ''Perfectionnement du danseur contemporain'' au Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse. J'y prends acte de mon intérêt pour la transmission, en sus des questions chorégraphiques et de corps, par le pire…, et par le meilleur, Thierry Baë, Patricia Ferrara... De cirque en danse, de danse en théâtre... avec le Groupe Merci. Et une boucle se boucle en travaillant avec l'inouïe Solange Oswald, les auteurs de théâtre contemporain, l'acteur physique tout autant que créateur, le « masque neutre » et le clown / bouffon. Je joue Colère ! dans le IN du festival d'Avignon. Le théâtre révélé, la question du texte, de la parole, de la prise de parole, grâce à notre bon vieux hypocrites, alliée au corps en tant qu'usine à gaz propulse mon désir lancinant de création artistique : je crée la cie Cox Igru, et en 2013 un premier spectacle intitulé et Suzy vagabonde ayant pour motif, le monstre. Il est notamment accueilli à la Fonderie – Théâtre du Radeau, espace et cie que j'admire par-dessus tout, et à Mix'Art Myrys, projet-lieu, estampillé Nouveau Territoire de l'Art, où l'usage de la liberté est en prise directe avec, ou plutôt, contre son temps, de par son fonctionnement de collectif d'artistes en autogestion. Constatant que le régime de l'intermittence ne joue que partiellement son rôle d'amortisseur social, je me déplie avec enthousiasme dans la pratique de la pédagogie théâtrale, auprès de publics divers, spécifiques toujours. Avec, par exemple, le projet Tissage, pour des personnes issues de l'Hôpital de Jour des Fragilités, soutenu par la Drac et l'Ars, l'Université Jean Jaurès et en partenariat avec le théâtre Garonne. Avec aussi le projet « Je est un autre » en collaboration avec la plasticienne et docteure en art Fanny Tuchowski pour des mineurs incarcérés à l'EPM de Lavaur. En 2018, je crée Monsieur Loyal, à tort et à travers. Mes compagnons pour cette aventure sont à la fois d'anciens partenaires – Johanna Moaligou, Pierre Heydorff – et des nouveaux, le musicien Stéphane Barascud et Aurélia Marceau, actrice trépidante qui chaussera le masque de ce bouffon de Monsieur Loyal avec fougue. En écrivant et mettant en scène le texte de ce spectacle, je creuse mon sillon d'un théâtre tout feu tout flamme, sans concession et dont on a pu relever la beauté et à la fois... l'alambiqué. C'est donc un langage bien peu orthodoxe que je crée et manipule, que la coordinatrice au département des arts à l'ambassade française de New-York Louise Dodet a nommé : un surréalisme prolétaire.